La maturité digitale de la fonction RH : un impératif stratégique
La transformation numérique bouleverse les organisations. Modèles d’affaires, structures et méthodes de travail sont repensés. La fonction RH n’échappe pas à ce mouvement: elle passe d’une simple informatisation à une refonte en profondeur de ses processus. Mais où en est-elle vraiment sur le chemin de la maturité numérique?
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Trois leviers technologiques
La digitalisation RH repose sur trois grandes vagues technologiques: tout d’abord les plateformes numériques (issues du web 2.0) qui transforment les canaux de communication en permettant à de nombreux utilisateurs de créer et d’échanger de l’information que ce soit via des réseaux sociaux internes ou professionnels ainsi que des plateformes collaboratives. Ensuite l’automatisation qui délègue aux outils numériques une partie des processus auparavant manuels comme la gestion des absences. Enfin l’intelligence artificielle (IA) capable d’analyser d’immenses volumes de données et de générer des recommandations. Ces leviers constituent le socle de la transformation digitale des activités de GRH, mais il ne s’agit pas seulement de déployer ces technologies, il est également important de comprendre qu’elles entraînent des degrés de transformation différents pour la fonction RH.
Quatre niveaux de maturité digitale
La maturité digitale de la fonction RH peut se modéliser en quatre niveaux, allant de la simple numérisation à la redéfinition complète des processus (Emery et al., 2024):
| Forme de digitalisation | Types de transformation | Exemples |
| Numérisation | Transposer en ligne un processus existant. | Mise en ligne du processus d’évaluation annuelle des performances. |
| Automatisation | Déléguer à un outil numérique tout ou partie d’un processus de GRH existant. | Automatisation d’une partie administrative du recrutement à des Applicant Tracking Systems. |
| Optimisation | Modifier un processus existant en rajoutant une fonctionnalité ou des attributs via des outils numériques. | Optimisation du processus d’évaluation à 360° avec une collecte en ligne des informations nécessaires. |
| Redéfinition | Remettre en question l’intégralité d’un processus pour évaluer comment une nouvelle manière de le réaliser peut être possible, en utilisant des fonctionnalités d’IA, d’apprentissage machine et de deep learning. | Élaboration de plans de développement individualisés en ayant recours à l’IA. |
Les enjeux à ne pas négliger
Chaque niveau apporte son lot d’efficacité mais plus la transformation progresse, plus les défis se multiplient. La maturité digitale ne se limite donc pas uniquement à l’adoption d’outils, elle engage la fonction RH dans une transformation multidimensionnelle. Elle touche d’abord à l’humain avec la nécessité d’accompagner l’adhésion des collaborateurs, de prévenir la crainte d’une déshumanisation et de développer les compétences digitales des équipes RH comme des managers. Elle est aussi organisationnelle car la prolifération de solutions impose une gouvernance claire et un alignement constant avec la stratégie globale. Mais la digitalisation soulève également des enjeux éthiques, légaux et de sécurité: protéger la confidentialité des données, sécuriser les systèmes face aux cyberattaques et garantir la transparence des algorithmes.
À cela s’ajoutent des dimensions plus politiques, liées au risque de fracture numérique entre ceux qui maîtrisent les outils et ceux qui en restent exclus, ainsi qu’aux questions de délégation des décisions aux technologies. Les considérations financières complètent ce tableau puisque les investissements qui peuvent être lourds, doivent être justifiés par un véritable retour sur investissement (direct et indirect). Enfin, la digitalisation engage l’image et la crédibilité de la fonction RH. En effet, afficher une modernité technologique ne suffit pas, c’est l’usage effectif et pertinent des outils (notamment en matière d’aide à la décision) qui en prouve la valeur.
Les données au cœur de la transformation numérique
Nous le rappelons sans cesse mais le nerf de la guerre, ce sont les données. Leur volume explose mais leur valeur dépend de leur qualité. Pour être exploitables, elles doivent être à jour (idéalement actualisées en temps réel), standardisées et pertinentes afin de permettre des analyses fiables. À cela s’ajoutent les questions d’accessibilité, de coûts et d’éthique. Les sources envisageables sont multiples: données RH classiques, indicateurs d’activité, comportements de travail ou encore informations issues des réseaux sociaux professionnels.
Conclusion
La maturité digitale de la fonction RH s’apparente à un parcours d’apprentissage visant à optimiser l’utilisation des technologies et à développer la fonction au sein de l’organisation à long terme plutôt qu’à une simple intégration des technologies dans les opérations. Au-delà des aspects purement techniques et des enjeux liés aux données, la maturité digitale passe par une compréhension holistique des défis liés au numérique pour créer un véritable levier de performance et d’innovation pour l’ensemble de l’organisation.
À lire
Emery, Y., Gonin, F., Audrin, B., & Dima, J. (2024). Gérer et développer les ressources humaines. Presses polytechniques et universitaires romandes.