L'admission facilitée des étrangers diplômés d'une haute école suisse
Un ressortissant hors UE et AELE, titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse est en droit d'exercer une activité lucrative pendant six mois si elle revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant.

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En Suisse, l’admission de travailleurs étrangers est régie par un système binaire. D’un côté, l’accord sur la libre circulation des personnes permet aux travailleurs en provenance de l’Union européenne («UE») ou de l’Association européenne de libre-échange («AELE») (1) de bénéficier d’un accès facilité au marché suisse du travail, quel que soit leur niveau de qualification. De l’autre, s’agissant des États tiers, seuls les travailleurs qualifiés peuvent être admis mais dans une mesure restreinte. En principe, les ressortissants d'un État hors UE et AELE ne bénéficient pas d'un accès facilité au marché suisse de l'emploi.
Les ressortissants d'un État hors UE et AELE sont notamment soumis à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI - RS 142.20). Aux termes de l’art. 18 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée que si cela sert les intérêts économiques du pays (let. a), si son employeur a déposé une demande (let. b) et si les conditions fixées aux art. 20 à 25 de la loi sont remplies (let. c).
Selon l’art. 21 al.1 LEI («ordre de priorité»), un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé (al. 1).
Aux termes de l’art. 21 al. 3 LEI, il peut être dérogé à l’al. 1 – selon lequel ont la priorité les ressortissants suisses ou d’un État de l’UE ou de l’AELE – si un étranger titulaire d’un diplôme d’une haute école suisse souhaite exercer une activité lucrative qui revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant.
Si l’étranger trouve un poste qui revêt un tel intérêt scientifique ou économique, l’employeur qui souhaite l’embaucher n’aura alors pas à démontrer qu’il n’a pas trouvé un travailleur indigène ou ressortissant de l’UE ou AELE correspondant au profil requis (2). Si ces conditions sont remplies, l’étranger titulaire d’un diplôme d’une haute école ou d’une haute école spécialisée suisse sera alors admis provisoirement à la fin de ces études, et ce pendant six mois, afin qu’il puisse chercher une telle activité (art. 21 al. 3 LEI3).
La dérogation ne vise que les étudiants hautement qualifiés et qui ont obtenu le diplôme correspondant tel un Bachelor, un Master, un Doctorat, un post-Doctorat, un autre titre équivalent ou encore un Diploma ou Master of Advanced Studies (4). L’achèvement réussi de la formation marque le début du délai de six mois (5).
En particulier, sont concernés les titulaires d'un diplôme d'une haute école suisse dans les domaines où ils peuvent mettre en pratique à un haut niveau les connaissances qu'ils ont acquises et où il n'existe effectivement pas d'offre de main-d'œuvre suffisante (6). Il s'agit, généralement, d'activités dans les domaines de la recherche, du développement, dans la mise en œuvre de nouvelles technologies ou encore des secteurs d'activités qui revêtent un intérêt économique prépondérant (7).
Une activité lucrative revêt un intérêt économique prépondérant lorsqu'il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main-d'œuvre dans le secteur d'activité correspondant à la formation et que l’orientation suivie est hautement spécialisée et en adéquation avec le poste à pourvoir (8). Cette précision garantit que ce régime particulier ne s'applique que lorsqu'il y a effectivement pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité et que des personnes au chômage établies en Suisse ou provenant des pays de l'UE ou de l'AELE ne peuvent accomplir cette activité (9). Ainsi, l’occupation du poste permet de créer immédiatement de nouveaux emplois ou de générer de nouveaux mandats pour l’économie suisse (10).
L’art. 21 al. 3 LEI n’est appliqué qu’en présence d’indices fondés d’une véritable pénurie de travailleurs qualifiés dans un domaine donné. Dans ce contexte, le système d’indicateurs pour évaluer la demande en personnel qualifié du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) (11) ou la liste des genres de professions soumis à l’obligation d’annonce (12) peuvent notamment être utilisés pour identifier un besoin.
L’admission de cette catégorie de personnes a lieu sans examen de règle sur l’ordre de priorité des travailleurs. Les autres conditions d’admission pour l’exercice d’une activité lucrative, prévues aux art. 20 ss, LEI restent applicables. Sont demandés, outre un diplôme d’une haute école suisse, des moyens financiers suffisants et un logement adéquat (par analogie à l’art. 27 al. 1 let. b et c LEI).
L’octroi d’une autorisation de séjour en application de l’art. 21 al. 3 LEI répond à des conditions strictes. Elle nécessite un examen approfondi par l’autorité cantonale de police des étrangers, avec décision préalable de l’autorité cantonale du marché du travail (notamment art. 40 LEI et 83 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA - RS 142.201), puis par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM).
Cette réglementation permet notamment aux entreprises et aux milieux académiques suisses de recruter des spécialistes qui ont terminé avec succès leurs études en Suisse et qui sont bien ou hautement qualifiés. Les ressortissants d’États tiers formés dans une haute école suisse ne sont pas imputés sur les nombres maximaux annuels d’autorisations de séjour lorsque leur activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. L’art. 21 al. 3 LEI permet donc à la Suisse de tirer un profit direct des investissements consentis pour la formation de ces personnes. La Confédération peut ainsi compenser le manque de main-d’œuvre hautement qualifiée et améliorer la compétitivité de son économie dans un contexte de forte concurrence internationale pour recruter les meilleurs talents.
(1) Les États membres de l'AELE actuels sont l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse.
(2) Arrêt du TAF, 19.4.2011, C-6074/2010, consid. 5.2.
(3) Nouvelle teneur de la 2e phrase selon le ch. I de la LF du 17 déc. 2021 (Restriction des voyages à l’étranger et modification du statut de l’admission à titre provisoire), en vigueur depuis le 1er juin 2024 (RO 2024 188 ; FF 2020 7237).
(4) TC VD, 28.10.2024, PE.2024.0085, consid. cc).
(5) Ibidem.
(6) Secrétariat d’État aux migrations SEM, Directives LEI, ch. 4.4.6, voir : https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/publiservice/weisungenkreisschreib… (consulté le 7 mars 2025).
(7) Ibidem.
(8) Ibidem.
(9) Voir le Rapport de la Commission des institutions publiques du Conseil national du 5 novembre 2009 relatif à l'initiative parlementaire visant à faciliter l'admission et l'inté- gration des étrangers diplômés d'une haute école suisse, in : FF 2010 373, ch. 3.1 p. 384.
(1) 0 ATAF, 2.5.2012, C-674/2011.
(1) Voir: https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/Publikationen_Dienstleistungen/P… (consulté le 5 mars 2025).
(12) Voir: https://www.arbeit.swiss/secoalv/fr/home/menue/unternehmen/stellenmelde… (consulté le 5 mars 2025).