Fusions

Le rôle des RH dans la fusion d’une banque privée genevoise

DRH du Banquier Privé Lombard Odier Darier Hentsch & Cie, Maxime Morand a dirigé les Ressources Humaines de la Banque lors de la fusion de 2002. Recette de sa réussite: discipline, rapidité d’exécution et clarification des objectifs stratégiques.

En juillet 2002, les Banquiers Privés genevois Lombard Odier et Darier Hentsch annonçaient leurs fiançailles. Quatre mois plus tard, l’unité des ressources humaines envoyait 2000 nouveaux contrats aux collaborateurs de la nouvelle entité. Durant ces trois mois, le DRH Maxime Morand a été sur tous les fronts. Pour HR Today, il revient sur cette période mouvementée et livre ses conseils et commentaires quant au rôle des RH dans un processus de fusion. 

«Un copié-collé plus qu’une fusion» La négociation des modalités de fusion est sans doute la première étape à franchir lors d’un processus de fusion. Ces premiers pourparlers, menés généralement à huis clos par les hauts dirigeants de l’entreprise, est déterminante quant à la réussite de l’opération. «Le milieu des banquiers privés genevois est un microcosme dans lequel tout le monde se connaît. «Une grande famille en quelque sorte», explique Maxime Morand. La recherche d’une stratégie et de valeurs communes a donc été facilitée. Les deux banques travaillaient dans le même secteur d’activité, avec la même structure juridique et le même type de clientèle. «Dans notre cas, je préfère le mot copié-collé à celui de fusion. Durant ma carrière, j’ai vécu des fusions entre entités bien différentes. La violence du choc des cultures d’entreprises y était nettement plus grande».

Organiser un plan social coûteux Mis au courant quelques semaines avant l’annonce officielle, l’unité RH a participé activement à la deuxième étape de la préparation. «Avec mon équipe, nous avons été sollicité pour traduire les mesures sociales d’accompagnement prévues dans la fusion.» En tout, la Banque se séparera d’environ 500 collaborateurs. Tenu secret, le montant prévu par les associés pour financer le plan social se chiffre en plusieurs dizaines de millions de francs suisses. Compris dans cette enveloppe: les indemnités de licenciement selon l’ancienneté, la formation, la réorientation de carrière, l’outplacement et les retraites anticipées. Et, pour Maxime Morand, les premières négociations avec le collège des associés commencent. «Certes, il a fallu se mettre d’accord sur les modalités des indemnités de départ. Il fallait privilégier l’ancienneté, mais surtout tenir compte de la difficulté de réinsertion du collaborateur. Nous avons dû chercher des compromis». Rapidité d’exécution Le facteur temps a également pesé dans la balance. Objectif: terminer la fusion le plus vite possible tout en acceptant qu’un plan social se planifie sur le long terme. Concrètement, Maxime Morand commence par faire de l’ordre dans sa propre unité. Puis il a fallu préparer plus de 500 entretiens difficiles (voir l’interview ci-dessous). «Les associés s’attendaient à ce que tout soit réglé en quelques mois. Mais la réorientation d’une carrière peut prendre du temps. «Là aussi, nous avons dû négocier certains délais supplémentaires. Mais en fin de compte, le sérieux de notre travail nous a valu une très bonne image auprès des managers de tous niveaux», se souvient Maxime Morand qui avoue n’avoir jamais autant travaillé. 

Nouvelle architecture RH Parallèlement à la gestion des licenciements, l’équipe de Maxime Morand a dû créer une nouvelle architecture RH. «J’ai dû aller chercher la stratégie des Associés-gérants pour leur proposer les différents échafaudages RH possibles. Un exemple: fallait-il rémunérer en parts variables les collaborateurs par équipe, ou selon les résultats de la maison? «Ils ont finalement choisi cette dernière option car l’appartenance à une des plus vielles banques privées de Genève primait à leurs yeux», détaille Maxime Morand. La mise sur pied de cette nouvelle architecture RH s’est effectuée suivant un modèle très précis (voir tableau au bas de la page précédente). «Il faut trouver un équilibre dans la tension créée entre la maison et ses collaborateurs. Chaque décision remet en question le tout». La nouvelle matrice a également permis à l’Unité RH d’intégrer un cockpit informatisé doublé d’un libre service baptisé RH Ulysse (voir encadré). 

Prévoir des espaces de debriefing Cinq ans après la fusion, Maxime Morand tire quelques leçons: «Je pense que la fonction ressources humaines est un vrai métier. Dans une fusion, il faut du professionnalisme. On a souvent dit de moi : il est dur mais ce qu’il fait est juste. Cette image négative, nous devons l’accepter. Par ailleurs,  j’ai sous-estimé l’effet des licenciements sur mon équipe RH. Etonnemment, c’est surtout ma deuxième ligne qui a craqué. J’ai vu une collabora-trice se faner devant moi parce qu’elle ne supportait plus de taper toutes ces lettres de licenciements. Et pour les cadres en charge des entretiens nous avons prévu des espaces de debriefing. Et nous avons particulièrement soigné notre hygiène de vie pendant cette période».

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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