Portrait

Orchestrer le changement

Nicolas Clerc est le directeur des ressources humaines de Lombard Odier. Il revient sur les transformations en cours au sein de la plus ancienne banque privée genevoise, dont les équipes sont réunies depuis peu sous un même toit.

C’est à Bellevue (GE), au bord du Léman, que se dresse le nouveau siège de Lombard Odier. Il s’agit du premier bâtiment signé par le célèbre cabinet bâlois Herzog & de Meuron en Suisse romande. En franchissant la porte d’entrée, inspirée du bâtiment historique de l’entreprise au centre-ville de Genève, on découvre un impressionnant atrium, qui diffuse la lumière à travers tous les étages. C’est au dernier niveau, dans un espace collaboratif ouvert sur le lac et les montagnes environnantes, que Nicolas Clerc nous accueille avec une poignée de main franche et chaleureuse.

Sa première impression en découvrant le bâtiment? «Beaucoup d’émotion. Nous parlons du projet 1Roof depuis mon arrivée, le voir enfin achevé est donc un moment fort. Pour moi, il incarne la banque de demain, qui allie modernité, transparence et élégance. Il y a aussi la fierté de contribuer à écrire une nouvelle page de l’histoire du groupe.»

Partenaire stratégique

Le parcours professionnel de Nicolas Clerc débute dans le secteur bancaire, mais pas directement dans les ressources humaines. C’est d’abord par le recrutement qu’il prend ses marques dans les RH. En 2017, il est approché par Lombard Odier, qui est en train d’élaborer un nouveau plan RH en adéquation avec la stratégie de développement du groupe. «Je m’occupais alors du recrutement stratégique dans une grande banque suisse. Après quelques mois de discussions, j’ai accepté ce nouveau défi, avec la mission de professionnaliser la fonction recrutement de banquiers.»

Quatre ans plus tard, il prend la tête des ressources humaines de la banque. Sous sa direction, une équipe d’environ cinquante personnes est chargée d’accompagner près de 3000 employés à travers le monde, dont 2200 à Genève. «La première chose qui m’a semblé essentielle dans cette nouvelle fonction a été de cultiver la proximité avec nos associés gérants et les membres de comités exécutifs. Traditionnellement, la fonction RH dans le milieu bancaire a souvent été perçue comme avant tout administrative. Mon ambition a été d’en faire un véritable partenaire stratégique.»

Il souligne qu’un DRH doit plus que jamais comprendre en profondeur la stratégie et les différents métiers de l’organisation, afin de définir une politique et une stratégie RH totalement alignées avec les objectifs business. «Il s’agit aussi de fédérer les équipes autour de ce projet commun. C’est ce qui m’occupe, personnellement, depuis huit ans. La proximité avec le business est primordiale.»

Ce qu’il apprécie dans ce métier? «Pouvoir suivre le cycle complet des employés, du recrutement à l’évolution de carrière, jusqu’à la retraite.» S’y ajoute la complexité du métier. «Le portefeuille RH est extrêmement varié, ce qui rend le métier très stimulant intellectuellement. Enfin, je garde un fort intérêt pour le recrutement, qui constitue l’un des piliers de la fonction RH moderne.»

Nouvelles habitudes

Actuellement, c’est le projet de déménagement qui est au cœur de ses préoccupations. Tandis que les architectes ont conçu un bâtiment emblématique, les RH ont eu à orchestrer un chantier moins visible, mais tout aussi important. «Nous avons compris très tôt qu’on ne passerait pas du jour au lendemain de la Corraterie à Bellevue. Il s’agit notamment d’apprendre à travailler dans des espaces ouverts et de développer de nouvelles habitudes de travail collaboratives.»

Plusieurs modules de formation ont ainsi été mis en place pour les managers, afin que ces derniers puissent identifier les opportunités liées au changement et en tirer le meilleur parti. «Nous avons aussi travaillé sur le plan de mobilité et sur les politiques de télétravail, essentielles dans la banque de demain. Enfin, nous insistons sur la flexibilité, indispensable dans un édifice qui accueille près de 2200 personnes.» Il a aussi fallu répondre aux craintes liées à l’éloignement du centre-ville et de son impact sur la vie sociale. «À ce titre, le nouvel environnement dont nous bénéficions désormais joue un rôle important, que ce soit les nombreux équipements du bâtiment ou l’accès facilité à la campagne pour faire du sport et se ressourcer.» Autre opportunité: lutter contre les silos. «Réunir des équipes auparavant réparties sur six sites permet immanquablement de favoriser la collaboration. En quelques jours seulement, j’ai déjà plus échangé en personne avec des collègues qu’au cours des dernières années.»

Former et fidéliser

Pour associer les employés basés hors de Genève à cet élan, la banque a prévu que l’ensemble du développement des collaborateurs se fera désormais au sein du nouveau siège, avec la création d’une «Lombard Odier Academy». «Ce projet s’inscrit dans notre volonté de pouvoir transmettre les compétences par nos propres experts, plutôt que par des formateurs externes. Nous ferons venir des collaborateurs d’Asie, d’Amérique latine ou du Moyen-Orient, afin qu’ils expérimentent eux aussi la nouvelle culture de collaboration que nous sommes en train de mettre en place.»

Il s’agit notamment de favoriser le développement du leadership. «Être manager aujourd’hui ne peut plus simplement découler de la performance individuelle. Cela nécessite des compétences spécifiques que nous voulons encourager. À ce titre, nous avons mené des ateliers avec une centaine de personnes pour définir les principes de leadership propres à notre maison. À partir de là, nous avons lancé des modules de formation pour que nos managers comprennent ces principes managériaux et les appliquent au quotidien.» Autre priorité: recruter les bonnes personnes pour accompagner la croissance de l’entreprise. «Après une année 2023 marquée par un nombre important de recrutements, nous avons mis l’accent l’an dernier sur la mobilité interne. La majorité des postes clés ont été repourvus de cette manière, ce qui a un effet positif sur les perspectives d’évolution au sein du groupe.»

Concernant les nouveaux outils fondés sur l’intelligence artificielle qui font leur apparition dans les processus RH, Nicolas Clerc reste prudent. «L’IA peut être utile pour traiter des volumes importants de candidatures, mais elle doit être utilisée de manière éthique et transparente. Nous réfléchissons aussi à son rôle dans la formation continue, par exemple via des plateformes d’apprentissage adaptatives. Mais l’humain doit rester au centre, la technologie doit soutenir, pas remplacer.»

Durabilité et attractivité

Sur un marché du travail tendu, notamment pour les profils spécialisés, Lombard Odier mise sur son indépendance et sa stabilité, mais aussi sur son environnement de travail. «Nous avons la chance que notre culture et nos valeurs de durabilité parlent aux jeunes générations – mais pas seulement, qui cherchent du sens et des employeurs alignés avec leurs convictions. La durabilité constitue à ce titre un axe majeur de notre politique RH, qu’il s’agisse de mobilité douce, d’égalité salariale ou de diversité. C’est une responsabilité envers nos collaborateurs autant qu’un engagement envers la société.»

Nicolas Clerc définit la culture d’entreprise de Lombard Odier en trois piliers fondamentaux: l’innovation, la durabilité et l’indépendance. «L’innovation est un moteur essentiel pour maintenir la compétitivité de l’entreprise. La durabilité est, quant à elle, au cœur du modèle de Lombard Odier, c’est un engagement profond, qui se reflète aussi dans ce nouveau bâtiment, qui vise l’obtention d’une triple certification de construction durable. Enfin, l’indépendance, parce que notre gouvernance unique nous permet de penser et d’agir sur le long terme. Pour nos collaborateurs, cela se traduit par une culture exigeante, mais aussi bienveillante, où chacun peut trouver du sens et contribuer à un projet collectif.»


Bio express

1973 Naissance en Gruyère

2013 Directeur du recrutement stratégique global chez Credit Suisse

2017 Engagé chez Lombard Odier, responsable du recrutement stratégique

2018 DRH pour l’unité Clientèle Privée

2021 DRH de la banque Lombard Odier

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Erik Freudenreich est le rédacteur responsable de la version française du site HR Today.

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