Conseils pratiques

Quelle place donner à la personnalité dans le monde du travail?

Ils sont de plus en plus indispensables en entreprise, sans que l'on connaissance très bien l'étendue de leurs compétences: les psychologues du travail et des organisations. Nous terminons ici une série de 6 chroniques sur le rôle de ces partenaires-ressources pour les RH, en nous intéressant à la place de la personnalité dans le monde du travail. 

Depuis toujours, l’être humain cherche à comprendre le fonctionnement de ses congénères. L’un des premiers à avoir formalisé le comportement humain est Hippocrate (460-377 av. J.-C.). Sa célèbre classification des tempéraments (lymphatique, nerveux, bilieux et sanguin) était reliée aux quatre éléments de la nature (eau-terre-feu-air), qui étaient eux-mêmes associés à des aspects physiques, psychiques, comportementaux, de même qu’à des maladies prédominantes et à des préceptes de vie.

Bien des années plus tard, la psychologie s’est développée en tant que discipline scientifique (à la fin du XIXe siècle), mais l’étude de la personnalité des individus est toujours restée une thématique centrale. Étudier et évaluer la personnalité est donc l’apanage des psys, et trouve sa place dans la sphère clinique et thérapeutique.

Mais pourquoi est-elle sortie des cabinets pour s’immiscer dans le monde de l’entreprise? Il existe pléthore de tests et de méthodes sur le marché pour analyser la personnalité.(1) D’ailleurs, on pourrait tout à fait s’en passer et simplement discuter avec la personne, lui demander quelles sont de son point de vue ses qualités et défauts, et «sentir» si elle est extravertie, patiente, méticuleuse et/ou motivée par l’action. Est-il vraiment nécessaire de faire appel à un·e professionnel·le? Oui, si l’on souhaite se placer dans un processus qualitatif. C’est une bonne chose, et ce pour deux raisons.

Un test ne suffit pas

Tout d’abord, pour s’assurer d’utiliser une méthode et/ou un test scientifiquement valide (ce n’est pas forcément toujours le cas). Les psychologues sont formés·es aux méthodologies statistiques qui permettent de comprendre, d’analyser et de décrypter les variables chiffrées, de manière à pouvoir vérifier la validité des outils. Ensuite, le résultat du test en soi donne certainement des informations, mais ce n’est pas suffisant du tout. D’ailleurs, il ne serait pas éthique de faire passer un questionnaire à une personne et de la recaler (ou de l’engager!) sur le simple résultat brut, sans autre échange. Car c’est véritablement au moment de la restitution qu’elle se reconnaîtra (ou non!) et pourra verbaliser, raconter comment elle incarne les différentes facettes de sa personnalité. L’étape de l’entretien – communément nommé «restitution» ou «débriefing» du test – est donc incontournable. C’est dans cet échange que le profil prend tout son relief, devient vivant et acquiert sa légitimité. Pour ce faire, l’habileté de l’analyse du/de la psychologue, sa finesse de questionnement (sans induire la réponse) et sa qualité d’écoute (sans juger), tout comme sa capacité à mettre en perspective les propos de la personne évaluée, seront déterminantes pour la compréhension globale du profil. L’échange permettra d’ailleurs d’éclairer les qualités et les atouts de la personne évaluée et de les rendre évidentes à elle-même comme aux yeux du ou de la psychologue.

Mais qu’entend-on par personnalité?

C’est «un ensemble relativement cohérent, systématique et stable de tendances à générer des ensembles structurés de pensées, d’affects et d’actions qui en font une personne unique». Si les traits de personnalité se développent durant l’enfance jusque vers 17 ans, la recherche fait état d’une tendance à la stabilité de la personnalité durant la vie adulte – ce qui permet de l’évaluer à tout moment durant la carrière professionnelle! Il ne faut cependant pas considérer cette stabilité comme un enfermement dans des cases, avec des étiquettes stéréotypées que l’on pourrait coller sur les individus. Nous parlerons volontiers de tendances, de préférences, de plein potentiel, voire d’énergies avec leur lot de puissance positive ou négative. De la même manière, il n’y a pas de «bonne» ou de «mauvaise personnalité», ni de «juste» ou de «faux». La notion même d’évaluation, très souvent associée à l’exercice, pourrait être remise en question. Nous lui préférons l’expression «mise en lumière», qui correspond davantage au processus: on éclaire et on détaille les traits de la personnalité, plutôt qu’on les mesure.

«L’essence de la personnalité n’est pas un simple ton ou une simple ligne mélodique, mais la totalité de la composition musicale», disait Gardner Murphy. Sujet souvent polémique, la question de la prise en compte de la personnalité dans les processus de sélection ou de développement de carrière fait débat. Notre expérience sur le terrain nous amène cependant à considérer qu’elle reste un élément fondamental qu’il faut considérer pour appréhender toutes les facettes de l’être humain dans son milieu professionnel, tout en s’assurant de la démarche qualitative et professionnelle sous-jacente.

(1) Voire Dossier HRM https://www.hrtoday.ch/fr/utcontent/les-tests-de-recrutement-un-etat-des-lieux 

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Anna-Katharina Mörike

Anna-Katharina Mörike est psychologue FSP, spécialiste RH et psychologie du travail. Elle accompagne les personnes se questionnant sur leur avenir professionnel (bilan de compétences, insertion professionnelle) et/ou en souffrance au travail (burn-out, mobbing, recherche d’équilibre). Elle intervient aussi auprès d’entreprises pour les soutenir dans leur processus de sélection. Elle préside depuis 2021 PSY4WORK.CH, l’association suisse des psychologues du travail et des organisations.

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