Portrait

Une pincée de zen dans le chaudron de la Radio romande

Directrice RH à la Radio suisse romande, Françoise Christ étonne par sa discrétion et son calme olympien. L’apparence est trompeuse. Celle qui marque de sa personnalité les carrières de 600 employés est une femme d’endurance qui canalise les passions dévorantes du métier.

Une colonne vertébrale en béton armé dans un corps de velours. Françoise Christ, directrice des ressources humaines à la radio romande, sourit devant l’image qu’elle projette. Car derrière cette posture réservée réside tout le secret de son succès. Toujours préoccupée de ne pas déranger les personnes qu’elle côtoie, elle parvient à forcer le respect de ses collaborateurs qui, en retour, lui livrent les clés de leur intimité professionnelle. «En général les gens aiment qu’on s’intéresse à ce qu’ils font et à ce qu’ils sont», soutient-elle simplement.

Entrée à la radio en 2001, Françoise Christ découvre un milieu très émotionnel. Pour la plupart des 600 employés de la maison, travailler à la radio représente un rêve de longue date. Et une fois engagés, ils veulent y rester. Non sans complications. «Les gens mettent beaucoup d’eux-mêmes dans les métiers d’antenne. Ne serait-ce que par leur voix, qui est quelque chose de très intime. Forcément, il en résulte un engagement fort. Du coup, la distance n’est pas toujours là». Françoise Christ essaie donc d’harmoniser ces passions avec l’évolution rapide des programmes et de la technologie. «Un animateur radio, ça ne se recycle pas du jour au lendemain. Ma priorité est d’assurer qu’ils puissent durer sur le long terme». Et qui dit métier de passionné dit conflit parfois envenimé. C’est là qu’intervient son calme et son sens de l’écoute. «Il n’est pas nécessaire de faire des actions d’éclat. Le fait de garder le calme et la ligne est justement un bon contre-pied par rapport à ce milieu toujours émotionnel et en ébullition». Sa fonction de DRH lui a également valu un fauteuil au conseil de direction, où elle prend part aux grandes décisions stratégiques de la maison. «Elle ne s’impose pas par son autorité, mais par la rigueur et la force de ses arguments», note Gérard Tchopp, directeur de la RSR. Sa renommée dans la communauté RH lui a également ouvert les portes de l’ensei-gnement. Depuis 2004, elle transmet son savoir-faire aux candidats du brevet fédéral en leader-ship et management. «C’est rare de trouver des DRH avec une vision des ressources humaines si globale. Ses instruments d’évaluation sont plus souples que d’habitude», complimente notre confrère Bernard Radon, responsable de la filière. Retour sur ce parcours étoilé.

Après une enfance paisible sur les coteaux de Morges, Françoise Christ opte pour les sciences politiques. «J’ai découvert un intérêt marqué pour le corporatisme et le syndicalisme». Déjà, son affinité avec le monde du travail se profilait à l’horizon. Après deux ans de recherche pour le Fond national et une année d’assistanat en histoire politique, elle entre chez CBA (Computer Brainwear Advisers), une société de recrutement. Elle ne quittera plus le monde des RH. Chez CBA, elle vit avec passion le boom de l’informatique de la fin des années 1980. Alors qu’elle n’a que 28 ans, son patron lui confie le lancement d’une succursale à Genève. Pour elle, c’est un plaisir. «J’ai rapidement découvert une forme de passion à faire parler les gens. Découvrir comment ils se projettent dans leur avenir professionnel. Les implications au niveau d’une vie plus globale». Curieuse, passionnée par son métier et surtout travailleuse acharnée, elle ne reviendra plus sur ses pas. Après huit ans chez CBA, elle entre dans une société de consulting. Une expérience en demi-teinte. «La technicité des outils d’assessment ne me convenait pas. C’était trop technique». Elle retourne donc vers sa passion et accepte une offre de l’Etat de Vaud. Son mandat: mettre en place une structure RH pour la psychiatrie publique, section Ouest. «J’aime bien les milieux atypiques. Ce fut une expérience très enrichissante», assure-t-elle malgré son passage relativement court dans le milieu médical.

Car deux ans après, Françoise Christ entre à la RSR. Le décor de son bureau est sobre. Quelques aquarelles aux murs et une vue sur le lac Léman de son enfance. Au moment de l’interview, elle étonne par sa nervosité. «Je n’aime pas parler de moi», avoue celle qui conduit des centaines d’entretiens chaque année. «Dans mon approche des gens, des choses et des événements, je suis quelqu’un qui reste beaucoup en retrait. Par une forme de respect pour l’ambictus vital des personnes qui m’entourent». Et ce style discret convient au milieu passionné de la radio. «Il faut à la fois jouer sur l’émotion et les passions, tout en gardant une forme de distance pour mettre un peu de calme dans les situations», confie-t-elle. «J’habite ma fonction, je ne la suis pas (du verbe être)». Mais derrière ses apparences de femme feutrée paraît un esprit solide, alimenté par un goût prononcé pour la lecture. «Je n’aime pas lire les choses à la mode. Je les lis par curiosité mais je me méfie de tous ces ouvrages de théories et de management. Ce sont des balanciers qui vont dans tous les sens. Je préfère me fonder sur des réflexions plus sociologiques. La psycho-sociologie ou la systémique sont plus des écoles conceptuelles de base qui permettent de réfléchir sur les rapports humains». Car Françoise Christ, 45 ans, travaille sur le long terme. «Elle a réussi à mieux fixer le cadre et les objectifs généraux d’une politique RH. Et nous a offert les instruments qui permettent de faire des progrès», résume son patron, Gérard Tschopp.

Sa méthode: rechercher sans répit l’équilibre entre les aspirations individuelles et la progression collective de la maison. «La fonction RH est une fonction «entre-deux», d’équilibrage et de respect des normes, que ce soit vis-à-vis des cadres ou des collaborateurs», conclut-elle. Et cette approche lui va comme un gant. «J’aime ce jeu de construction. C’est toujours le chaos qu’on remet en place. Rien n’est jamais figé, surtout dans une maison comme celle-là. La question c’est de savoir où l’on est, où l’on va et quelles sont les personnes avec qui on veut aller. Les défis sont là. A nous ensuite de produire les accompagnements RH en conséquence». A l’entendre, tout semble couler de source. Vraiment? «Pas du tout, la recherche d’équilibre a aussi un revers de médaille. Elle est parfois harmonieuse, elle est toujours intéressante mais elle peut aussi provoquer des ruptures». Pour Isabelle Binggeli, directrice des programmes, Françoise Christ est «une force tranquille méthodique». Rien de moins.

Françoise Christ côté jardin

 

Ce qui vous permet de démarrer la journée? Mon café.

 

De décompresser le soir? La musique, si possible du rock qui tache: PJ Harvey ou Patti Smith. J'ai aussi une pièce au sous-sol avec quelques pots de peinture et des plaques de cuivre que je grave.

 

Un coup de gueule? La lâcheté.

 

Un coup de coeur? J'ai ressorti dernièrement un disque de Patti Smith, Gung ho.

 

Un rêve accompli? De savoir prendre le moment comme il est, pendant longtemps j'ai dû rêver de ça.

 

Un rêve à accomplir? Faire sortir les choses de mon  atelier.

 

Une destination de vacances? La Terre de feu.

 

Un livre? "Tais-toi, je t'en prie", de Raymond Carver.

 

Une émission radio? Tanger-Glasgow. 

 

Un plat? Les pâtes. 

 

Une boisson? Le bordeaux. 

 

Une drogue? la musique.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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