Droit et travail

Attention: la loi sur l’égalité entre femmes et hommes vous guette

En vigueur depuis le 1er janvier 1996, la loi sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg, du 24 mars 1995, RS 151.1) interdit les discriminations dans les rapports de travail en raison du sexe quel qu’il soit. Quels sont les processus RH concernés par cette loi et quels sont les bons réflexes «anti-discrimination» à adopter?

Il n’est pas toujours facile d’être un employeur sans reproches, conscient de toutes les dispositions que les employés pourraient invoquer contre lui. Les règles de la loi sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg, du 24 mars 1995, RS 151.1), sont souvent méconnues dans leur portée et de ce fait elles font peur lorsqu’elles viennent à être invoquées.

Un petit rappel historique s’impose. Depuis 1981, la Constitution fédérale garantit l’égalité en droit de l’homme et de la femme, en posant en particulier que l’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale (art. 8 al. 3).

Chargé de concrétiser ce principe fondamental dans le domaine du travail, le législateur l’a fait en édictant la LEg, en vigueur depuis le 1er janvier 1996, dont le but est de promouvoir effectivement l’égalité entre les sexes dans les relations de travail régies tant par le Code des obligations que par le droit public fédéral, cantonal et communal.

Quand bien même la LEg interdit les discriminations dans les rapports de travail en raison du sexe quel qu’il soit, il était évident, au moment où elle a été adoptée, que cette législation avait été pensée pour promouvoir les femmes dans le monde du travail où elles ne sont souvent pas suffisamment représentées.

Qui doit respecter la LEg et quelles sont les différences prohibées

Texte de droit public à caractère impératif, la LEg se superpose aux réglementations individuelles, notamment en matière de politique salariale. Si elle ne va pas jusqu’à imposer d’obligation de contracter, elle pose toute une série d’interdictions de discriminer qui amèneront parfois l’employeur à devoir indemniser son employé victime de discrimination en raison du sexe.

L’obligation de respecter l’égalité entre femmes et hommes vise tout employeur public comme privé, du particulier à la multinationale en passant par les administrations, cantonales et fédérales. Elle s’applique à l’ensemble des aspects de la relation entre employeur et employé postulant, depuis le dépôt du dossier de candidature jusqu’à la résiliation.

Constitue une discrimination toute différence de traitement dépourvue de légitimation, par exemple le refus d’une promotion à une femme parce qu’elle est enceinte ou le refus d’engagement de toutes les femmes mariées.

La discrimination est directe lorsqu’elle se fonde explicitement sur le sexe ou sur un critère applicable à l’un des sexes, comme la maternité.
Elle est dite indirecte lorsque la différence de traitement ne paraît pas a priori fondée sur le sexe mais qu’elle a pour conséquence de défavoriser finalement un sexe par rapport à l’autre sans faits justificatifs.

Ainsi en est-il des clauses différenciant les personnes qui occupent un poste à 100 pour cent des autres, car ce sont généralement les femmes qui ont un emploi à temps partiel. L’absence d’intention discriminatoire de l’employeur n’entre pas ici en ligne de compte et seule importera la réalité des faits pour juger de sa responsabilité. Afin d’illustrer l’art. 3 LEg, nous passerons en revue les discriminations principales.

La discrimination à l’embauche

La discrimination à l’embauche est prohibée par l’article 3 alinéa 2, qui mentionne expressément cette première étape dans la construction de la relation contractuelle. Ainsi, le fait de ne pas embaucher une femme parce qu’elle est ou pourrait être enceinte constituera, dans un grand nombre de cas, une discrimination réprimée par la loi.

Rappelons ici que, si elle est fréquemment interrogée par son employeur potentiel sur ses visions futures de la famille ou son désir de maternité, la candidate n’a pas l’obligation légale de dire la vérité, puisque de telles questions portent atteinte à sa sphère privée. Un mensonge ne permettra donc pas à l’employeur de résilier ultérieurement le contrat pour de justes motifs au sens de l’article 337 CO, ni de se prévaloir d’une erreur.

Une exception à ce principe ne vaudra que si la candidate, enceinte, serait amenée à effectuer des activités dangereuses pour sa santé ou celle de l’enfant qu’elle porte, d’une part, ou si le poste est de durée déterminée et qu’elle sait d’emblée qu’elle ne pourra l’occuper, d’autre part. Il en va de même de questions sur les tendances sexuelles de tout candidat ou une éventuelle séropositivité.

Le législateur ne statue pas d’obligation de contracter en cas de discrimination portant sur un refus d’embauche: la personne lésée ne peut prétendre qu’au versement d’une indemnité par l’employeur. Celle-ci est fixée compte tenu de toutes les circonstances et calculée sur la base du salaire auquel la personne discriminée avait droit ou aurait vraisemblablement eu droit, sans aller au-delà d’un montant correspondant à 3 mois de salaire.

Lorsque plusieurs personnes prétendent au versement d’une indemnité pour refus d’embauche à un même poste, la somme totale des indemnités versées n’excèdera pas non plus ce montant. Cette indemnité n’est pas soumise à la preuve d’un dommage, mais doit être réclamée impérativement dans les 3 mois depuis le refus d’embauche discriminatoire.

La discrimination au cours des relations de travail

L’art. 3 LEg tend à empêcher un employeur de favoriser les personnes d’un sexe par rapport à celles de l’autre. Ainsi, à compétences égales, l’employeur doit se garder de promouvoir un homme au motif que sa collègue, qui a de jeunes enfants, n’aura probablement pas la même disponibilité ou flexibilité.

Le même raisonnement doit guider l’employeur lorsqu’il donne suite ou refuse une demande de formation complémentaire; à cet égard, rappelons que réserver certaines tâches gratifiantes aux personnes qui travaillent à plein temps peut être considéré selon les circonstances comme discriminatoire, puisque l’on sait que les femmes, a fortiori lorsqu’elles ont des enfants en bas âge, travaillent souvent à un pourcentage moindre.

Le risque de l’employeur n’est ici pas essentiellement de nature pécuniaire, mais il peut être confronté à une action en interdiction d’une discrimination qui est sur le point d’intervenir (par exemple en matière de formation ou de redistribution des tâches), à une procédure en cessation d’une discrimination qui perdure ou à une action en constatation de la discrimination intervenue.

Relevons toutefois que les discriminations en matière de formation peuvent avoir empêché la victime d’obtenir un diplôme supplémentaire et, par voie de conséquence, de bénéficier d’une augmentation de salaire. Une action en paiement pourra ainsi être jointe à la procédure qui établit la discrimination.

Le cas particulier de la discrimination salariale

Il y a discrimination salariale lorsque femmes et hommes occupés auprès du même employeur touchent une rémunération différente pour un travail égal ou de valeur égale. Pour juger du caractère égal ou de la valeur égale du travail, à défaut de barème dans l’entreprise, il sera fréquemment nécessaire de mettre en œuvre un expert, qui aura à juger de l’adéquation du salaire de la personne discriminée, ou qui se plaint de l’être, en prenant pour point de comparaison celui de la personne de référence de l’autre sexe qu’elle indiquera comme favorisée; des éléments tels que la formation, l’ancienneté, les qualifications, l’expérience, le risque professionnel, les considérations sociales (âge, charges de famille), la conjoncture, la motivation, la volonté de performance et la productivité pourront fonder des différences de rémunération, à condition qu’ils jouent effectivement un rôle dans le travail effectué par les employés comparés.

Le risque pour l’employeur est de devoir payer rétroactivement un complément de salaire pour la période pendant laquelle la discrimination est établie, mais au maximum pour 5 ans, du fait de la prescription.

Le harcèlement sexuel (art. 4 LEg)

Le harcèlement sexuel au lieu de travail se définit comme tout comportement à caractère sexuel ou fondé sur l’appartenance sexuelle qui n’est pas souhaité par une personne et porte atteinte à sa dignité. Ce cas de discrimination mérite particulièrement d’être signalé du fait qu’il va fréquemment entraîner une responsabilité de l’employeur sans que celui-ci n’ait activement participé à l’abus de pouvoir qu’il dénote.

Il subira en outre un dommage indirect du fait que la victime va travailler moins bien. Celle-ci pourra toujours s’en prendre directement au harceleur, punissable pénalement, mais l’employeur assume une responsabilité s’il a omis de prendre les mesures commandées par l’expérience et appropriées aux circonstances pour prévenir de tels actes ou y mettre fin.

La première de ces mesures est de faire savoir clairement que de tels comportements sont interdits et sanctionnés dans l’entreprise; une deuxième est la nomination d’une personne de référence auprès de laquelle les victimes peuvent aller se confier.

Le licenciement discriminatoire (art. 9 LEg)

Un congé discriminatoire selon l’art. 3 al. 1 et 2 LEg constitue un cas particulier de licenciement abusif au sens de l’art. 336 CO. La LEg renvoie à cet égard aux dispositions du Code des obligations, qui obligent la victime d’une discrimination à s’opposer au licencie-
ment pendant le délai de congé, puis à l’attaquer dans les 180 jours après la fin des rapports de travail.

La personne discriminée pourra obtenir une indemnité correspondant à 6 mois de salaire au maximum, en fonction de toutes les circonstances. Au sens de la LEg, le congé peut être discriminatoire même s’il est donné pendant le temps d’essai, notamment à une femme enceinte.

Le licenciement donné à une femme, au retour de son congé maternité, pour des motifs tenant à sa situation de famille, peut aussi être discriminatoire. Dans les licenciements collectifs, l’employeur devra aussi faire attention à ne pas désavantager un sexe, notamment les femmes qui ne travaillent pas à plein temps.

Le congé représailles (art. 10 LEg)

Lorsqu’une personne se plaint d’une discrimination, l’employeur doit savoir qu’il ne pourra la licencier pendant toute la durée des démarches au sein de l’entreprise, de la procédure de conciliation et du procès, y compris durant le semestre qui suit la clôture des démarches ou de la procédure.

En dérogation au système général de la validité du licenciement, même mal fondé, le législateur a prévu ici la possibilité, pour la personne victime de discrimination, de demander son réengagement, déjà à titre provisoire, à condition d’agir dans le délai de congé (art. 10 al. 3 LEg), en lui laissant le choix ultérieurement de renoncer à poursuivre les rapports de travail et de réclamer en lieu et place
une indemnité d’un montant maximum de six mois de salaire.

Le problème induit par l’allègement du fardeau de la preuve (art. 6 LEg)

Une dernière embûche attend l’employeur dans la procédure judiciaire: si la personne qui se dit lésée parvient à rendre vraisemblable la discrimination, c’est son employeur qui devra prouver l’absence de discrimination, en dérogations aux dispositions ordinaires. A cet égard, la sous-représentation d’un sexe pourrait constituer un élément retenu contre l’employeur.

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Christine Sattiva est avocate au cabinet Sattiva – Gétaz Kunz à Cully. Elle est spécialiste FSA en droit du travail, vice-présidente du tribunal des prud’hommes de l’administration cantonale, chargée de cours à l’UNIL. Lien: avocates-lavaux.ch

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