Le rôle des valeurs en organisation

Des valeurs aux comportements

La mise en œuvre d’une culture d’entreprise responsable repose sur la définition de valeurs fortes et la mise en pratique concrète au quotidien de comportements qui visent la double performance de l’entreprise: son succès économique et sa réussite humaine. Voici une feuille de route pour réussir. 

 

Il existe souvent dans les entreprises une confusion entre les valeurs et les comportements. Par exemple, «l’orientation client» ou le «respect des délais» peuvent figurer dans la charte de valeurs alors qu’ils sont des comportements attendus par le management de l’entreprise. 

Le mot «valeur» renvoie cependant à deux étymologies. La première souligne la notion de «valeureux», c’est-à-dire la capacité que nous avons à être courageux. La seconde exprime l’idée selon laquelle nous devons «nous rendre dignes d’estime». Ainsi le mot valeur renvoie concrètement à deux vertus: le courage et l’amour. Nous sommes donc très loin de l’orientation client.

Définir des valeurs revient à montrer le courage que nous avons à afficher des valeurs humaines fortes dans lesquelles nous croyons et à les mettre en œuvre par «amour» de nos actionnaires, de nos clients et de nos employés. Je crois bien que par ce langage, nous nous trouvons particulièrement éloignés de la réalité de ce qui se fait dans l’entreprise sur le sujet.

Les comportements, quant à eux, définissent les attitudes clés que tout employé de l’entreprise, du top management à la base, doit mettre en œuvre en cohérence avec les valeurs dans son travail quotidien.

Par «amour» de nos actionnaires, de nos clients et de nos employés 

Parler d’amour dans l’entreprise, c’est comme au premier abord évoquer une incompatibilité. «L’entreprise n’est pas faite pour être aimée mais pour faire du profit», m’expliquait il y a peu de temps l’un des membres du comité exécutif d’un grand groupe international. Et force est de constater qu’une entreprise qui ne fait pas de performance économique est une entreprise qui ne se développe pas et qui ne crée pas d’emploi. 

Faudrait-il donc trahir l’étymologie du mot valeur? Nous avons tous oublié, l’ultralibéralisme en tête de liste, qu’il existe une co-solidarité de fait entre les actionnaires, les clients et les employés. Les uns ne peuvent pas vivre sans les autres. Cette co-solidarité de fait s’appelle de l’amour, c’est-à-dire le respect de la différence de l’autre. Chacun a une tâche particulière à accomplir: l’actionnaire investit, l’employé produit, le client achète.

Il s’agit d’une trilogie dont nous avons oublié le sens initial; chacun se trouve au service de l’autre. Et normalement il existe des valeurs clés qui soulignent dans la culture occidentale ce service mutuel: il s’agit par exemple de la confiance, de l’équité, de la solidarité. Prenons la valeur d’équité qui renvoie à la notion de «justice», non pas au sens de loi mais au sens de ce qui est «juste» et équilibré pour nous et les autres, en l’occurrence les trois acteurs de l’entreprise que nous venons de citer; appliquons maintenant cette valeur d’équité au retour sur investissement. 

Cela nous donne le principe suivant: un tiers du résultat net de l’entreprise devrait revenir à l’actionnaire, un autre tiers à l’usage de la participation et de l’intéressement des employés et le dernier tiers réinvestit en recherche, développement et marketing pour le client. Cela c’est l’idéal et celui-ci peut être variant selon les situations. Mais lorsque nous parlons de valeurs dans l’entre prise, nous ne pouvons pas faire le grand écart. Si nous le faisons, nous ne sommes plus crédibles aux yeux des autres et à la place de générer de la confiance, nous créons de la méfiance, donc de l’énergie négative.

Définir des valeurs et des comportements appelle à l’exemplarité

Pour définir des valeurs qui donnent du sens et qui transmettent de la confiance, il faut nécessairement envisager la démarche de manière participative. Les ressources humaines ont un grand rôle à jouer en ce domaine car c’est à elles qu’est confié ce sujet en règle générale. 

Le tout n’est pas de définir des valeurs mais également de les partager et de les faire vivre. Pour cela il faut qu’une masse critique du nombre d’employés de l’entreprise participe au choix de ces valeurs. C’est en organisant des workshops avec les employés que ceux-ci identifieront les valeurs à partir de la relecture de l’histoire de l’entreprise dans laquelle ils travaillent.

Vous connaissez le proverbe africain selon lequel «si tu veux savoir où tu vas, regarde d’où tu viens»; la radioscopie de l’histoire de la vie de l’entreprise est vitale pour pouvoir identifier les valeurs porteuses de sens pour demain. Le fait de faire participer les employés est déjà une première étape d’adhésion à la démarche par les valeurs. Sur le même format de workshops, les employés pourront identifier également des comportements clés qui proviennent de leur expérience concrète de terrain, cohérents avec les valeurs choisies. 

Ce sera au final au comité exécutif de l’entreprise, à partir de la synthèse des résultats des workshops des employés de choisir les trois ou quatre valeurs phares de l’entreprise pour demain; celles qui seront porteuses de sens pour atteindre l’objectif d’être performant économiquement et réussir humainement. Quant aux comportements, ils devront être définis par strate de management en cohérence avec les valeurs retenues et à ce sujet, le comité exécutif devra donner l’exemple.

Comment réussir un leadership par les valeurs et les comportements 

Le modèle de leadership du comité exécutif et du management pourra être défini en cohérence avec les valeurs. Si à titre d’exemple, la valeur «confiance» est retenue, cela signifie qu’il faudra aligner son mode de délégation sur la valeur de la confiance. Le top management ne pourra plus se réserver le droit absolu des décisions autrement il y aura incohérence. 

Si la valeur «équité» est retenue alors il faudra mettre en cohérence les politiques de rémunération de l’entreprise avec la valeur équité. Si le leadership est la capacité à donner du sens, à partager et faire adhérer aux valeurs pour atteindre la double performance de l’entreprise, les workshops d’entraînement permettront l’étude et l’analyse de cas réels concrets de l’entreprise afin que toutes les équipes s’engagent dans un processus qui leur permette de mesurer la cohérence entre leurs décisions stratégiques et actions opérationnelles avec les valeurs. 

Sans ces workshops d’entraînement, la démarche par les valeurs et les comportements ne peut pas réussir, elle reste une démarche de lettré irréaliste ou simplement de marketing et de communication. Enfin il faudra également aligner l’ensemble des politiques de l’entreprise sur les valeurs et insérer les valeurs et les comportements comme une grille incontournable des entretiens d’évaluation et de progrès de l’ensemble des employés. 

C’est à cette seule condition que nous ferons de notre culture d’entreprise un gage de responsabilité économique et social performant sur le long terme en créant un avantage compétitif différenciant et décisif sur notre marché.

 

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Emmanuel Toniutti est le Président de l’International Ethics Consulting Group (IECG) depuis 2005. Il vient de publier: L’urgence éthique. Une autre vision du monde des affaires, Éditions JePublie, 2010
 
 
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