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Le workation, un atout pour attirer et fidéliser les talents

Travailler les pieds dans l'eau fait rêver. La start-up suisse Vamoz a développé une solution qui permet d'encadrer la pratique du travail à distance depuis l'étranger. 

Le télétravail est aujourd’hui bien installé dans le monde du travail. Près de 59% des employés suisses peuvent travailler à distance, un chiffre au-dessus de la moyenne mondiale (48%), selon une étude publiée l’an dernier par le cabinet PwC. Une flexibilité qui s’étend aussi de plus en plus au-delà des frontières. Ainsi, 72% des Suisses en télétravail ou en mode hybride ont travaillé depuis l’étranger au cours des douze derniers mois, contre 54% à l’échelle mondiale. 

Mais derrière cette tendance se cachent des pratiques souvent informelles. L’étude indique que dans 15% des cas, l’employeur n’était pas informé de ce travail à l’étranger. «C’est un réflexe encore très courant, remarque Daniel Dietrich, cofondateur de Vamoz, une plateforme suisse dédiée à la gestion des mobilités internationales temporaires tels que le workation (contraction de «work» et de «vacation», ndlr), les voyages d’affaires et le travail transfrontalier. Mais cette approche expose les employeurs à des risques considérables.» 

Une idée née pendant le confinement 

C’est pour répondre à ce flou juridique que Daniel Dietrich a imaginé une solution logicielle qui permet de gérer et sécuriser les demandes de travail à distance à l’étranger. L’idée a pris forme pendant la crise sanitaire. «Je me suis retrouvé bloqué au Mexique en raison des restrictions de voyage. J’ai cependant pu continuer à faire du télétravail, et mon manager de l’époque a bien compris que j’étais productif et inspiré. Mais je me suis aussi rendu compte qu’il existait un véritable vide juridique sur le sujet. C’est pourquoi bon nombre d’entreprises interdisent la pratique sans connaître les véritables enjeux qui y sont liés.» 

Il faut dire que cette forme de mobilité est aujourd’hui particulièrement prisée par les jeunes actifs. Ainsi, près de 81% des 18-29 ans et 76% des 30-39 ans envisagent volontiers de travailler depuis l’étranger, selon une autre étude récente, réalisée par PwC en Allemagne. Aussi, pour 63% des répondants, la possibilité de faire une workation est importante dans le choix d’un employeur, une proportion qui monte à 81% chez les moins de 40 ans. 

Flexibilité et risques juridiques 

Lancée en 2022 par Daniel Dietrich, Isabelle Wildhaber et Johannes Pecher, la solution de Vamoz s’adresse aux entreprises. Elle permet à leurs salariés de déposer une demande de workation en quelques clics. La plateforme réalise une première analyse des risques pour près de 90 destinations selon différents angles (fiscaux, juridiques, assurances, etc.), qui est ensuite vérifiée par une équipe de juristes de la start-up. Les responsables des ressources humaines reçoivent alors un rapport détaillé selon un système de feux tricolores: vert (ok), jaune (sous conditions) ou rouge (non conforme), de manière à prendre une décision éclairée. 

«Notre outil ne se limite pas à identifier les risques, il permet aussi de les gérer directement, précise l’entrepreneur. Lorsque la demande est acceptée, une liste de tâches à réaliser est générée (visas, formulaires, assurance, etc.). Cela permet de minimiser les risques juridiques et administratifs tout en fluidifiant le processus, et ainsi éviter aux RH de perdre du temps dans la gestion de cas individuels.» 

Destination soleil 

Les pays les plus populaires pour les utilisateurs de Vamoz sont le Portugal et l’Espagne, suivis de l’Italie, l’Allemagne et la France. Concernant les destinations plus lointaines, les travailleurs suisses privilégient des pays comme l’Afrique du Sud (sur le même fuseau horaire que l’Europe en été), le Royaume-Uni et la Thaïlande, ainsi que le Mexique et les États-Unis. «La majorité des demandes portent sur des séjours de une à deux semaines, souvent en rapport avec des liens familiaux. Les longs séjours, comme deux mois passés à Bali, restent minoritaires (15 à 20% des demandes). Mais même un seul jour télé-travaillé en France voisine peut soulever des questions complexes.» 

Car le workation mal encadré entraîne des conséquences sérieuses: perte de couverture sociale, obligation de payer des impôts à l’étranger, risque de «création d’établissement stable» pour l’employeur, obligations de conformité au droit du travail local... «Nous avons identifié sept domaines juridiques clés à vérifier. S’y ajoute le fait que le droit évolue sans cesse.» 

Satisfaction et productivité 

Malgré ces contraintes, les avantages sont bien réels. «Plusieurs études soulignent que le workation améliore la satisfaction des employés, présente un impact positif sur leur productivité, et renforce leur loyauté.» C’est aussi devenu un levier pour attirer les talents. «Dans le secteur informatique, selon nos observations, huit candidats sur dix posent aujourd’hui la question des possibilités de travail à distance à l’étranger en entretien.» 

Dans un contexte où la guerre des talents fait rage, notamment dans les secteurs très qualifiés, le workation s’affirme comme un véritable avantage compétitif. «Certaines banques ou compagnies d’assurance sont réticentes à communiquer publiquement sur le sujet, mais elles l’autorisent en interne car elles savent que refuser ces demandes, c’est prendre le risque de perdre des collaborateurs.» 

Structurer la pratique

Pour fonctionner, la pratique doit cependant être bien encadrée. «Il faut une politique claire, validée par la direction, et un alignement culturel au sein de l’entreprise. Cela permet de rassurer les managers les plus sceptiques, notamment ceux qui n’ont jamais eu l’occasion d’expérimenter le workation. Par ailleurs, il faut expliquer que ce n’est pas une exception, mais un droit encadré.» 

Le workation et le travail hybride sont des mouvements de fond, estime Daniel Dietrich.
«Certains médias ont beaucoup écrit sur le retour au bureau ces derniers mois. Mais plutôt que la fin du télétravail, je remarque plutôt une structuration de ces pratiques. Le workation va continuer à se développer, car il permet de répondre à la fois aux attentes des salariés et aux enjeux de rétention des talents. C’est désormais un benefit stratégique, y compris pour les petites et moyennes entreprises.» À ce jour, Vamoz a déjà clarifié la conformité légale de plus de 20000 demandes de workation en Suisse, en Autriche et en Allemagne, les trois pays où elle propose ses services à l’heure actuelle. 

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Erik Freudenreich est le rédacteur responsable de la version française du site HR Today.

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