Santé et travail

"On ne peut pas condamner tous les open spaces de façon indifférenciée"

La décision du Tribunal administratif fédéral de donner raison à une employée qui se disait trop sensible pour travailler en open space contribuera-t-elle à l'abolissement du bureau paysager? Pas si vite!, analyse le spécialiste Clark Elliott. Ce mode de travail a encore sa place en entreprise, à condition qu'il soit bien conçu et s'intègre dans un concept plus large.

C’est un jugement qui pourrait faire jurisprudence, donc avoir un effet boule de neige. Ce qui est sûr, c’est que la récente décision du Tribunal administratif fédéral (TAF) de donner raison à une employée qui affirmait ne pas pouvoir travailler en open space relance – une énième fois – le débat autour du bureau paysager.

L’affaire en question – dont se fait l’écho la «SonntagsZeitung» - démarre en 2014, lorsqu’une collaboratrice de l’Office fédéral de l’informatique exige de pouvoir effectuer une partie de ses tâches professionnelles depuis la maison. Motif de cette requête, certificat médical à l’appui? La plaignante fait partie des 20% de la population trop sensible pour travailler dans un espace ouvert.

Son chef n’entre pas en matière et l’employée finit par être licenciée. L’affaire, portée devant le TAF, a connu son épilogue en novembre dernier, lorsque les juges ont donné raison à l’ex-fonctionnaire fédérale. Cette dernière a obtenu un demi-salaire annuel à titre de compensation. Le TAF estime que le licenciement était abusif et que l’employeur aurait dû donner la possibilité à sa collaboratrice de pratiquer partiellement le télétravail.

L'open space traîne une mauvaise réputation

Si le jugement du TAF constitue un précédent, il n’est de loin pas la première remise en question du bureau paysager. N’est-il pas grand temps de tirer un trait sur ce type d’espace professionnel? «On peut certes critiquer les open spaces. Mais on ne peut pas tous les condamner de façon indifférenciée», nuance Clark Elliott, conseiller en environnement du travail.

Le problème de l’open space, c’est qu’il a une mauvaise réputation qui lui colle aux baskets. Pour comprendre son origine, il faut remonter «à la fin des années 1970, lorsque les grands fabricants de matériel de bureau se sont mis à proposer ces aménagements, qui facilitaient la vie des services généraux». Le hic? «A l’époque, on n’a pas eu l’idée de placer l’humain au centre de la démarche. Il s’agissait de modèles à taille unique, qui comportaient de minces cloisons afin de donner une illusion d’isolement. Au final, les employés entendaient tout ce que disaient leurs voisins, sans pour autant être en contact avec eux. C’était à la fois fatigant et démotivant.»

Aujourd’hui encore, «il y a malheureusement beaucoup de mauvais exemples d’open spaces, qui décrédibilisent tous les autres », poursuit le spécialiste basé à Genève. Or, en soi, tout espace ouvert n’est pas mauvais. Au contraire, il a sa place dans l’ensemble des aménagements qui permettent le travail dynamique, soit une alternance des modes de travail.

«L’être humain effectue environ 50% de ses tâches professionnelles en solo et environ 50% en collaboration. Voilà qui définit déjà assez naturellement le menu des espaces qui devraient lui être proposés par son employeur.» Une entreprise propice au travail dynamique comporte par exemple des zones collaboratives formelles et informelles (salles de conférences, coins café, espaces ouverts, etc.), des espaces d’isolement (bureaux de petite taille, cabine téléphonique, etc.) et des zones de détente et de calme (espace sieste et/ou jeux, zone jeune maman, etc.). A noter que le télétravail relève lui aussi de ce processus.

Analyser la culture d'entreprise

En soi, la mise en place d’un environnement de travail dynamique ne nécessite pas un budget énorme, assure Clark Elliot. D’autant qu’elle permet souvent d’optimiser la surface à disposition de la société. Par contre, il est essentiel de ne pas hésiter à délier les cordons de la bourse aux bons endroits: excellente connexion wifi dans l’ensemble des locaux, plafonds et sols absorbants dans les zones ouvertes ou encore matériaux adéquats.

«Le diable se cache dans les détails», insiste le spécialiste, qui enjoint à se livrer tout d’abord à une analyse en profondeur de la culture d’entreprise. «En matière de travail dynamique, il n’y a pas de règle absolue. On peut tout à fait imaginer maintenir les bureaux individuels tout en créant de vrais espaces de rencontres entre collègues, par exemple sous forme de table d’hôte à midi.» Au fond, il suffit d’une bonne dose d’imagination et de créativité. «Si les SIG pratiquent le travail dynamique, n’importe quelle société peut le faire!», plaisante Clark Elliot.

Revenant à l’affaire portée devant le TAF, le spécialiste se fait la réflexion suivante: «J’ai de la peine à imaginer qu’en soi, quelqu’un soit trop sensible pour travailler dans un espace ouvert. Par contre, ce qui est certain, c’est que personne ne peut travailler dans un espace ouvert mal conçu.»

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Texte: hrtoday.ch
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