Justice et éthique en organisation

Un modèle pour réussir à instaurer une politique salariale équitable

Le système salarial de Swisscom est particulièrement équitable. Construit sur un catalogue de fonctions, un benchmarking avec les autres acteurs du marché des télécommunications et une partie liée à la performance collective, ce modèle est aussi transparent. La cheffe du département «Comp & Ben» du géant bleu commente ce cas d’école pour HR Today. 

 

Disposer d'un système salarial équitable et transparent est sans doute l'enjeu le plus sensible pour garantir le sentiment de justice dans une entreprise. Le sociologue Lionel Thelen, auteur de deux Dossiers HRM sur la justice en organisation (voir son billet en page 25), s'est penché sur plusieurs modèles particulièrement performants en termes d'équité de traitement. Selon lui, le modèle de Swisscom figure parmi les meilleurs exemples de Suisse. Instauré en 2000, au moment du passage de cette régie fédérale en société anonyme, le système salarial du géant bleu vise trois objectifs majeurs: l'équité dans la répartition des salaires, être compris et accepté par les collaborateurs et enfin la transparence. Ce modèle a été construit sur une matrice triangulaire (voir le schéma ci-contre) avec une classification par fonctions, qui assure l'équité interne; un benchmarking avec les autres acteurs du secteur, pour assurer l'attractivité de l'entreprise sur le marché du travail et enfin une part liée aux performances de l'entreprise. A noter que ce système a été implémenté en partenariat avec la société de conseil GFO Unternehmensberatung de Zurich, spécialisée dans les rémunérations équitables (voir HR Today de juin 2008). Commentaires de ce modèle avec Edith Flöcklmüller, cheffe du département «Compensation & Benefits» chez Swisscom.

Adapter les descriptions de poste aux évolutions technologiques

Le salaire de base de tous les employés est calculé selon un «job family» classique. Avec quatre groupes de métiers: les fonctions transversales (recherche et développement, finance & controlling, ressources humaines et direction générale); le marketing et la vente; l'informatique et les télécoms. «La difficulté principale provient de la rapide évolution des technologies. Ces cinq dernières années, les métiers de l'informatique ont considérablement évolué. Nous essayons d'adapter notre catalogue de fonctions tous les trois ans», note Edith Flöcklmüller. En plus de cette classification par métiers, la société a mis au point une grille salariale divisée en 13 niveaux. Avec une fourchette salariale pour chaque niveau. Le but est d'adapter les salaires aux compétences et à l'expérience de chaque employé. Plusieurs indicateurs sont pris en compte: la formation, les compétences techniques, les compétences sociales, les compétences en leadership, l'ancienneté et les exigences physiques et psychiques du poste. Edith Flöckmüller: «C'est un système de gestion des compétences assez classique. L'évaluation de ces différentes compétences s'effectue tout au long de l'année par les responsables directs. Le tout est ensuite discuté avec le collaborateur au moment de l'entretien annuel. Le grand avantage de ce système est qu'il évite les progressions linéaires liées uniquement à l'ancienneté. Pour progresser dans les échelles, vous devez élever votre niveau de jeu et accéder à des postes plus exigeants.»

«Comparer autant les cahiers des charges que le montant des salaires»

Le deuxième axe de ce système salarial est un bechmarking avec le marché de l'emploi des télécommunications. Ils collaborent avec la société de conseil en rémunérations Cepec. Edith Flöckmüller: «Comparer son système salarial avec les valeurs moyennes du marché de la télécommunication permet de maintenir l'attractivité de notre marque. C'est également un argument de communication important pour fidéliser les collaborateurs. La grande difficulté est de trouver des points de comparaison qui font sens. Nous conseillons de bien tenir compte des cahiers des charges en plus des salaires nominaux. Car tout dépend de ce que votre employeur exige de vous. Ces comparaisons sont par conséquent assez délicates.» Depuis l'an 2000, elle précise que l'évolution du marché est toujours allée vers le haut.

«Difficile de mesurer l'apport individuel à la performance collective.»

Il reste enfin une part liée à la performance. Avec les années, cette part variable n'a cessé de diminuer. Sauf pour les métiers commerciaux, qui ont toujours été fortement rémunérés aux résultats, comme pour les collaborateurs des magasins. La firme a cependant supprimé en 2008 les rémunérations liées aux objectifs individuels, pour retenir uniquement les performances collectives. «Le Conseil d'administration de Swisscom fixe des objectifs pour le groupe et nous accordons les parts variables si ces objectifs sont atteints. C'est très difficile de mesurer la contribution de chacun à une réussite collective. Ce système assure aussi une meilleure cohésion dans les équipes et correspond mieux à notre culture d'entreprise», conclut Edith Flöcklmüller. 

L'intervenante

Edith Flöcklmüller, 44 ans, dirige le secteur Compensation & Benefits chez Swisscom depuis 2007.

 

«Un système salarial doit être transparent et compréhensible» 

Trois questions au consultant Urs Suter, spécialisé dans les systèmes salariaux auprès de la société de consulting Cepec.

Le juste salaire existe-t-il? 

Urs Suter: C'est très difficile de parler de justice dans les rémunérations. La justice est une notion très subjective. Comment mesurer si un salaire est juste? Il n'y a aucun barème à disposition. Cela va toujours dépendre du point de vue de départ. Je dirais plutôt que les salaires doivent s‘appuyer sur un système bien fondé avec des règles claires. Il n'y pas de justice, il n'y a que la loi...

Comment faire pour établir un plan de rémunération dans les règles? 

Un système salarial doit être compréhensible et transparent. Les salariés doivent comprendre pourquoi leurs collègues gagnent plus qu'eux et comment ce calcul a été établi. Dans la mesure du possible, il faudrait consulter les commissions du personnel avant de mettre au point votre système. Puis il faut adapter ce système au marché. Des salaires trop élevés vont mettre en péril la survie économique de l'entreprise. S'ils sont trop bas, l'entreprise n'arrivera plus à attirer les talents.

Quelles conséquences ont eu les événements financiers de 2008 sur les plans de rémunérations? 

Plusieurs gouvernements ont décidé d'intervenir dans la réglementation des rémunérations du système bancaire. Avec des tentatives de fixer des plafonds. Je sais par expérience que si vous fixez une limite, les entreprises trouveront toujours un moyen de la contourner. J'ai un exemple en Suède où les grandes entreprises avaient commencé à offrir des voiliers à leurs top managers. Pour éviter des impôts exorbitants prélevés sur les salaires dépassant un certain seuil.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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