Cartographie des prestations RH les plus appréciées des managers
Métier difficile et peu valorisé, le management d’une équipe est un rôle complexe. Chargés de délivrer de la valeur, les managers doivent aussi clarifier le cadre et être à l’écoute des vulnérabilités de leurs équipes. Voici comment la fonction RH peut les accompagner au mieux.
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Aujourd’hui, être promu·e à une fonction managériale est souvent perçu comme le baiser de la mort. Dans une société où le travail n’est plus la colonne vertébrale d’une vie réussie, être nommé chef·fe n’est pas un cadeau. Le job de responsable d’équipe exige de la résilience, de l’agilité et beaucoup de courage. Tour d’horizon des spécificitésdu rôle de manager avec un focus sur le soutien RH qui leur sera le plus utile.
Attentes contradictoires
En plus des impératifs business au cœur de sa mission, un manager doit accepter la complexité et l’imprévisibilité de notre économie où les priorités peuvent changer en quelques mois. À l’interne, cette complexité augmente tout autant. Avec l’avènement de la gestion par projets et des méthodes agiles, un·e manager doit rendre des comptes à plusieurs responsables hiérarchiques aux attentes parfois contradictoires. Le rapport aux temps est une autre source de complexité. Aux exigences opérationnelles du quotidien, il faut ajouter une vision à moyen et long terme. Ce cadre temporel à plus long terme est la contrepartie du besoin d’autonomie exigé par les collaborateurs·trices.
Les fondamentaux RH
En termes de soutien RH, la priorité sera d’apporter à ces managers un soutien administratif impeccable. Cela inclut les contrats de travail, le paiement des salaires, la gestion des absences et des événements particuliers (anniversaires, mariages, deuils) ainsi qu’un suivi de tout le cycle de vie d’une personne dans l’organisation (recrutement, évaluation, fin des rapports). Sans ces fondamentaux, la crédibilité RH sera difficile à établir.
La prise de décision
Au-delà de ces aspects administratifs, le job principal d’un manager est de prendre des décisions. C’est ce qui est attendu d’un chef: trancher et donner une direction dans un monde nébuleux. Selon le psychologue et chercheur américain Gary Klein, spécialiste de la prise de décision (voir la référence ci-contre), un manager va utiliser plu-sieurs techniques pour prendre des décisions.
En s’appuyant sur des recherches menées au sein de l’armée américaine, des services du feu et enmilieu hospitalier, Gary Klein montre le rôle joué par l’intuition dans ces choix difficiles. L’intuition n’est pas un signal qui tombe du ciel. Au contraire, elle augmente plus vous avez de l’expérience dans un domaine. Une autre technique utilisée est la simulation mentale, qui fait appel à l’imagination. Comme un joueur d’échec, un manager va se projeter dans une situation et évaluer les différentes options.
Clarifier la vision
Gary Klein montre aussi que les problèmes sont souvent mal définis. Comment trouver une solution si vous ne savez pas exactement ce qui est attendu de vous? Le soutien RH sera donc de bien clarifier l’intention générale d’un projet afin que le manager comprenne ce qui est attendu. Pour le responsable RH, cette posture exige une bonne connaissance des enjeux business. Clarifier la vision et la raison d’être permettra aussi à chaque collaborateur de fonctionner de manière autonome.
Privilégier l’expérience
Ces recherches sur la prise de décision montrent aussi l’importance de l’expérience, qui prime parfois sur la formation. Les entreprises sous-estiment la valeur de l’expérience et se séparent de leurs collaborateurs de 50+ pour les remplacer par des jeunes bien formés, mais incapables de faire appel à leur intuition. Selon une étude de 2024 de MIS Trend, commandée par Pro Senectute Vaud, seulement 20% des entreprises de Suisse romande emploient des personnes de 55+.
Les cinq niveaux du leadership
Autre apprentissage-clé: plus un manager grimpe dans l’organisation, plus les enjeux vont se complexifier. Dans un ouvrage de référence sur le leadership agile, Bill Joiner et Stephen Josephs, coachs et consultants en leadership aux États-Unis et au Canada depuis plus de 30 ans, proposent un modèle en cinq niveaux qui tient compte de quatre dimensions: le contexte, les parties prenantes, la créativité et le self leadership. Ces cinq niveaux sont «expert» (45% des managers endossent ce rôle), performeur (35%), catalyseur (5%), co-créateur (4%) et synergiste (1%). Plus vous grimpez les échelons, plus vous devrez vous décentrer et tenir compte des parties prenantes et du contexte. En visioconférence depuis Boston, Bill Joiner explique: «Je constate souvent un décalage entre les capacités du manager et son contexte organisationnel. Un manager peut se comporter comme un performeur, mais la culture d’entreprise va le maintenir dans un rôle d’expert.»
Formation et approche systémique
Ses conseils pour un RH? «C’est important de comprendre le contexte dans lequel évoluent vos managers. Il faut ensuite créer un programme de formation qui va leur permettre de passer d’un niveau à un autre. Quels sont les comportements spécifiques que vos cadres devront maîtriser pour passer au niveau suivant? Nous proposons un outil de coaching à 360° pour évaluer ces besoins. Je conseille aussi de mener des workshops avec le comité de direction. Cette vision systémique est essentielle pour accompagner l’évolution des managers.»
Spiritualité et management
Bill Joiner et Stephen Josephs montrent aussi que la majorité des leaders du niveau 4 et 5 pratiquent une forme de méditation/spiritualité. Cette pratique régulière entraîne leur capacité d’attention et leur permet d’être en relation émotionnelle avec ce qui arrive. «Plus vous serez capable de rester avec ce qui est, plus vous allez pouvoir connecter en profondeur avec les autres, recevoir du feedback difficile, faire des liens entre des enjeux en apparence contradictoires», explique Bill Joiner.
Manager les vulnérabilités
Parmi ces situations émotionnelles qu’un manager devra gérer, il y a les vulnérabilités des membres de son équipe. Selon une étude française, 72% des collaborateurs·trices connaissent une forme de vulnérabilité qui impacte leur travail. Difficultés financières ou familiales, position de proche aidant, maladies graves ou chroniques, dépression, deuil, épuisement, éco-anxiété… l’être humain est fragile et nous serons tous, un jour ou l’autre, confrontés à une vulnérabilité. Cette étude fut le point de départ du livre de Boutayna Burkel et Charlotte Fortuit-Klein, toutes les deux spécialistes des risques psycho-sociaux (voir la référence ci-contre). "Le but n'est pas de culpabiliser, mais plutôt de créer une organisation plus saine. Le rôle des RH est de sensibiliser les managers et de les accompagner dans les moments difficiles.»
Terrain glissant
S’occuper des vulnérabilités d’une personne est un terrain glissant. La question délicate est de savoir jusqu’où intervenir? Comment accompagner sans devenir thérapeute? Comment humaniser sans infantiliser? Les auteurs montrent que cette séparation entre privé et professionnel est devenue floue, notamment à cause des outils numériques. Un message WhatsApp peut arriver à tout moment en vous annonçant une mauvaise nouvelle… C’est aussi un sujet délicat à aborder car personne n’a envie de montrer ses faiblesses, par peur du jugement ou d’une mauvaise évaluation en fin d’année.
Signaux faibles
Les managers jouent un rôle clé dans l’accompagnement de ces vulnérabilités. Il s’agit dans un premier temps d’être à l’écoute des signaux faibles. Boutayna Burkel: «Cela peut être une émotion vive, des absences répétées ou une dérobade... Je conseille ensuite d’organiser un entretien de manière informelle, afin de comprendre ce qui est en train de se passer. Si besoin, vous pouvez agender un entretien avec le RH, non pas pour punir mais pour comprendre, réajuster ou adapter l’organisation du travail. Cela peut être par du télétravail, du temps partiel ou du job sharing, le temps que la situation se décante.» Les auteurs montrent que le rôle du manager est aussi de fixer un cadre clair pour tout le monde et de réorganiser les tâches pendant l’absence de la personne.
Sentiment de justice
Ce management plus humain est aussi une réponse aux attentes en termes de justice organisationnelle. «Cette dimension collective est clé», poursuit Boutayna Burkel: «Pendant la crise, tout le monde est solidaire. Mais après quelques mois, avec la fatigue et le surmenage, les équipes seront à cran et les tensions vont apparaître. Ils vont avoir le sentiment d’avoir été traités injustement. C’est au manager de garder un lien affectif avec l’équipe et de mener ces conversations pour s’assurer du bien-être de tout le monde tout en restant aligné sur les objectifs business. Cette attention à tous évitera les jalousies et les colères.» Dernière étape: organiser le retour au travail de la personne absente. Plus une absence est longue, plus elle doit être bien préparée. Là aussi, il s’agit d’impliquer l’en-semble de l’équipe, en communiquant clairement.
Enfin, ces compétences managériales s’appliquent aussi à un responsable RH. À lui ou à elle de faire preuve d’agilité personnelle et d’acceptation du changement. Cet accompagnement des managers exige de la créativité, de se former en permanence et de dépasser les fondamentaux RH.