Faciliter le changement: l'approche par les nudges
Les nudges complètent les approches traditionnelles du changement et permettent de l'accompagner en douceur.

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Avez-vous déjà tenté de créer le changement dans votre organisation sans y parvenir, ou seulement en partie? Le changement organisationnel demeure un exercice complexe, notamment car il implique de modifier les comportements des collaborateurs. La résistance au changement s’ancre souvent dans la peur de l’inconnu, la crainte du risque et l’attachement aux habitudes établies. Face à cette inertie, les nudges apparaissent comme des outils précieux.
Les erreurs à éviter dans les approches de changement
Il y a plusieurs décennies, Kurt Lewin expliquait que pour qu’un changement ait lieu, les forces d’approche doivent être supérieures aux forces d’évitement.
Une stratégie fréquemment utilisée consiste à persuader, expliquer, inciter – en résumé, à multiplier les forces qui poussent au changement. Alternativement, l’organisation peut diminuer les forces qui le retiennent. En effet, la simplification des comportements désirés et la réduction des barrières au changement sont souvent efficaces. Une erreur courante est de pousser le changement sans réduire les obstacles qui l’empêchent.
Par exemple, multiplier les réunions et les séances d’information pour démontrer le besoin de changement fonctionne rarement si les nouveaux processus sont trop complexes. En matière de cybersécurité, plutôt que d’exiger des collaborateurs qu’ils évaluent systématiquement la provenance des e-mails avant de cliquer sur un lien, le système informatique pourrait mettre automatiquement en évidence tout e-mail externe contenant un lien suspect, facilitant le travail des collaborateurs en focalisant leur l’attention sur les éléments à évaluer. Les approches de changement devraient toujours considérer celui-ci non seulement comme une solution pour l’organisation, mais aussi comme une solution pour les collaborateurs. Il faut considérer le collaborateur comme un client: s’il perçoit le changement comme une solution à l’un de ses problèmes, l’adoption du changement sera facilitée.
Les nudges: principes et applications dans les organisations
Les nudges contribuent à rendre les comportements souhaités évidents et faciles à adopter. Un nudge est un aspect de l’environnement de choix qui modifie le comportement d’une manière prévisible sans interdire d’options ni changer significativement les incitations économiques (1). Les nudges ne cherchent pas à convaincre et encore moins à contraindre, mais à favoriser les comportements désirés par l’organisation et/ou bénéfiques pour le collaborateur. Voici quelques catégories de nudges fréquemment utilisés avec des illustrations organisationnelles:
Les choix par défaut. L’organisation peut laisser le choix aux collaborateurs tout en paramétrant des options par défaut. Par exemple, elle peut proposer plusieurs plans de prévoyance, tout en prédéfinissant celui qui sera appliqué (comme celui qui maximise l’épargne) si l’employé ne fait pas de choix explicite. Cette option par défaut influencera significativement le nombre d’employés qui l’adopteront (2).
La simplification. L’un des nudges les plus puissants est la simplification. Combien de fois devons-nous remplir des formulaires d’utilité questionnable ou saisir des données que l’organisation possède déjà? Les comportements peuvent être simplifiés de multiples façons. Dans une entreprise, le simple fait d’ajouter des boîtes de recyclage personnelles a réduit la quantité de papier dans les poubelles ordinaires de 80%, comparativement à la situation où les collaborateurs devaient parcourir quelques mètres pour jeter leurs papiers dans un bac centralisé (3). La moindre friction, même un simple clic supplémentaire, réduit la probabilité qu’un comportement se produise.
La mise en évidence. Rendre l’option suggérée plus visible peut augmenter considérablement la probabilité qu’elle soit choisie. Par exemple, dans une cafétéria d’entreprise, le simple fait de multiplier les points de vente d’eau en bouteille a réduit la consommation de boissons sucrées de 11% (sans réduire la disponibilité de ces dernières) (4).
L’ajustement des interfaces. Il est parfois possible d’adapter les objets avec lesquels les employés interagissent pour favoriser certains comportements. Par exemple, l’utilisation d’un formulaire standardisé de prescription (à la place de simples directives) a permis de réduire significativement les erreurs de prescription des médecins dans un hôpital (5). De même, utiliser des assiettes plus petites dans les buffets a diminué les déchets alimentaires de 20%6.
Changer la perception du comportement souhaité. Lorsque le comportement souhaité ne semble pas valorisé justement, l’organisation peut chercher à augmenter sa valeur perçue. Pour accroître la participation aux événements internes, elle peut mentionner que les premiers arrivés seront les premiers servis ou que le nombre de places est limité – pour autant que cela soit vrai. Cela rendra le comportement plus désirable car il devient plus rare. L’organisation peut aussi inclure un élément social. Montrer le nombre important de personnes ayant déjà suivi une formation interne ou s’étant conformées à une procédure augmente la probabilité que les autres collaborateurs s’y intéressent.
Conclusion
En définitive, en plus d’informer et de pousser les collaborateurs à adopter les comportements désirés, rendez ces comportements désirables, évidents et faciles à réaliser. De petites modifications en ce sens peuvent avoir des effets significatifs sur la réussite de vos initiatives de changement!
(1) Thaler, R. H., & Sunstein, C. R.: Nudge: Edition ultime, éd. Vuibert, 2022
(2) Thaler, R. H., & Benartzi, S. Save more tomorrowTM: Using behavioral economics to increase employee saving in Journal of political Economy, 112(1), 2004, 164-187
(3) Holland, R. W., Aarts, H., & Langendam, D.: Breaking and creating habits on the working floor: A field-experiment on the power of implementation intentions in Journal of Experimental Social Psychology, 42(6), 2006, 776-783
(4) Thorndike, A. N., Sonnenberg, L., Riis, J., Barraclough, S., & Levy, D. E.: A 2-phase labeling and choice architecture intervention to improve healthy food and beverage choices in American Journal of Public Health, 102(3), 2012, 527-533
(5) King, D., Jabbar, A., Charani, E., Bicknell, C., Wu, Z., Miller, G., ... & Darzi, A.: Redesigning the ‘choice architecture’of hospital prescription charts: a mixed methods study incorporating in situ simulation testing in BMJ open, 4, 2014, e005473
(6) Kallbekken, S., & Sælen, H.: ‘Nudging’hotel guests to reduce food waste as a win–win environmental measure in Economics letters, 119(3), 2013, 325-327 2 | 2025