Pourquoi la fonction RH doit (un peu) s'occuper d'elle-même
Des changements plus fréquents et qui s'accélèrent, la transformation digitale en plein élan, un rapport au travail qui change, des managers toujours plus demandeurs de soutien: les RH sont attendus sur tous les fronts et y paient parfois de leur santé. Quelques conseils pour s'en sortir.

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La fonction RH a souvent été l’un des parents pauvres des entreprises. Longtemps considérée (et peut-être encore...) comme purement administrative, «déconnectée» et «sans création de valeur», simple exécutante des décisions managériales et en conséquence peu staffée et équipée, le rôle est parfois ingrat. Et pourtant, c’est probablement l’un des plus beaux métiers du monde... aussi exigeant que passionnant!
Évolutions du contexte
Ces dernières années, ses responsabilités se sont grandement élargies. Le contexte et les enjeux auxquels la fonction RH est confrontée ont beaucoup évolué. Arrêtons-nous sur quelques exemples:
- Le changement est devenu quasi permanent dans la société, dans la vie des entreprises mais également de leurs salariés. L’adaptation et l’agilité sont de mise, et la capacité à accompagner les équipes dans ces transformations et les changements d’organisation qui vont avec est devenue clé. A fortiori lorsque les organisations deviennent de plus en plus matricielles, et que le télétravail (lorsqu’il existe) ou la multiplicité des sites les rendent hybrides par nature. Les RH sont attendus.
- La digitalisation est à l’œuvre depuis quelques années, selon la taille (et le budget) des entreprises. Ce mouvement a été renforcé par l’arrivée de l’IA qui permettra d’importants gains de productivité. Mais l’IA fera également évoluer structurellement le business model des entreprises, donc les besoins (quantitatifs) et le contenu des métiers (qualitatif). Les RH sont attendus.
- Le rapport au travail est en pleine évolution: de «communautés» en entreprise, nous sommes passés à des attentes individualisées, chacun voulant «se réaliser» et attendant de l’entreprise qu’elle l’accompagne dans son projet. L’espérance de vie s’allonge et avec elle la durée des carrières: ce sont désormais quatre générations qui se côtoient au travail, avec la valeur ajoutée que cela peut produire, mais aussi les incompréhensions. Enfin, les départs en retraite massifs des années à venir posent la question de la transmission des savoirs (hard et soft skills), de la culture, et parfois de l’entreprise elle-même (groupes familiaux notamment). Les RH sont attendus.
- Les managers, «clients» privilégiés des RH en entreprise, sont eux aussi confrontés à tous ces enjeux, auxquels on pourrait ajouter l’émergence d’alertes en discrimination/harcèlement, réel(le) ou supposé(e). Les attentes entre salariés et managers sont parfois alignées, mais souvent différentes, a fortiori si l’on considère la Direction de l’entreprise comme un «client» spécifique. Il faut donc faire converger de la meilleure manière possible ces attentes, au service de l’entreprise. Les RH sont attendus.
Quels effets pour la fonction RH?
Ces changements sont à l’œuvre depuis quelques temps, et se matérialisent différemment d’une entreprise à l’autre. Le Covid avec la gestion des incertitudes associées, souvent largement portées par la fonction RH, et les effets qui ont suivi (quête de sens, changements de parcours, difficultés de recrutement, ...) ont mis la fonction sous pression, dans la durée. Ces responsabilités s’ajoutent aux précédentes sans qu’elles ne les remplacent. Et l’intermédiation entre salariés ou en support des managers va crescendo, sans que l’IA n’ait réellement produit à ce stade les effets de productivité espérés.
Nous rencontrons aujourd’hui de très nombreux clients qui nous parlent d’une forme d’épuisement. Et la fonction RH étant résiliente «par nature», cela nous alerte. Si l’on dépasse ce sentiment d’épuisement, c’est aussi un besoin de «care» qui s’exprime: «si nous voulons correctement prendre soin des autres en entreprise, ne faudrait-il pas aussi prendre un peu soin de nous?»
Comment prendre soin des équipes RH?
- Prendre du temps pour soi et s’offrir une prise de recul sur ses pratiques: cela peut paraître paradoxal dans un monde où tout va de plus en plus vite et où les urgences se succèdent, mais c’est vital pour tenir dans la durée. Organiser par exemple un séminaire d’une journée par an avec ses collègues RH pour faire le point sur l’année écoulée, échanger sur les défis à venir et discuter des modalités de collaboration de l’équipe est clé.
- Se former/s’informer sur les derniers enseignements issus des sciences sociales et cognitives, de l’IA, de l’intelligence émotionnelle,... pour continuer à se développer et mieux mettre ces apports en résonnance du quotidien de chacun. La simple participation à un salon RH entre collègues peut s’avérer très riche, sous réserve d’avoir bien choisi en amont en fonction du programme.
- Échanger avec des pairs, confrontés aux mêmes enjeux, et s’enrichir mutuellement de retours d’expérience croisés: formations sur mesure, club RH, codéveloppement (méthode d’origine canadienne particulièrement puissante pour aider un groupe de pairs à résoudre des problèmes en équipe), témoignages, rencontres informelles sont autant de leviers possibles à activer.
- Envisager temporairement le support d’un «sparing partner»: personne de confiance, idéalement ancien RH et extérieur à l’entreprise donc neutre dans son positionnement, vous pourrez lui partager vos questions / difficultés et obtenir des réponses concrètes. Le coaching peut aussi se révéler précieux pour vous accompagner dans une phase de votre parcours.
- Enfin, sur des projets particulièrement complexes et impliquant du changement (digitalisation, déploiement ou évolution de pratiques managériales, changements d’organisation des équipes, ...), se faire accompagner d’un expert externe aide beaucoup. Il challenge l’approche avec bienveillance, apporte des solutions et retours d’expérience précieux, et vous décharge d’une partie des tâches tout en renforçant la confiance dans des moments où elle est clé.
Ce ne sont bien sûr que quelques exemples. Les périodes budgétaires qui s’ouvrent après l’été seront un bon moment pour penser (aussi) à la fonction RH et à son développement. Le métier de RH est un peu comme le vélo: c’est un sport individuel qui se pratique en équipe. Il est trop exigeant au quotidien pour performer seul dans la durée, et puise une grande partie de son efficacité dans la force de son réseau (interne ou externe). Plus que jamais, la fonction RH a besoin de prendre soin d’elle-même pour mieux accompagner les équipes!
Programmes de développement
Lorsque nous étions DRH opérationnels, nous avions cherché à plusieurs reprises des programmes de développement pour nos équipes RH, généralistes orientés postures à tenir face aux situations rencontrées au quotidien avec nos différents clients internes, pragmatiques et adaptés à la culture de notre entreprise. Sans jamais les trouver… Alors nous les avons conçus. Ces programmes de développement offrent notamment:
- une prise de recul sur les pratiques de chacun(e) et une mise à distance, en aidant à
trouver le juste équilibre entre prise d’initiatives et conscience d’appartenir à une fonction plus globale; - des échanges croisés sur la base de cas et de mises en situation variés, inspirés de situations réelles (programme modulaire et sur mesure à définir selon les enjeux et priorités);
- un partage d’expériences entre pairs stimulé par nos témoignages et retours d’expérience, contribuant à renforcer l’effet réseau, et enrichi de synthèses tirées de la littérature académique.
Structurés sur la base d’un à cinq jours possiblement espacés (présentiel préconisé), ces programmes à la carte peuvent être enrichis de workshops sur mesure, de mentoring individuel, de coaching ou encore de sessions de codéveloppement. Ils peuvent être déployés en Suisse et à l’international. Ils peuvent également être adaptés en interentreprise, pour des plus petites équipes RH qui souhaiteraient s’enrichir des pratiques et retours d’expérience
d’autres collègues. Lien: synchro-hr.com